CULTURE PHYSIQUES
Tous les observateurs s’accordent à dire que les relations entre la science et la société sont en pleine phase de reconfiguration, et que cette évolution est rapide. Deux faits indiscutables résument la nouvelle donne :
- Les sciences humaines et la réflexion éthique sont de plus en plus sollicitées pour appuyer le développement des nouvelles technologies ou en prévenir les effets potentiellement pervers.
- Les étudiants, dans presque tous les pays développés, s’engagent de moins en moins dans les carrières scientifiques, comme s’il y avait une panne de la libido sciendi chez les jeunes générations.
Dans « Culture physique », nous souhaitons utiliser ce que la physique contemporaine a de plus fascinant pour ré-érotiser l’acte de connaître. Comment ? D’abord, en jouant des paradoxes : le discours de la science ne coïncide qu’exceptionnellement avec l’opinion commune, et c’est bien à cet écart sidérant que la science doit sa puissance de fascination. Il faut donc le mettre en scène, le commenter, ce qui est assez facile si l’on choisit de se concentrer sur la physique, puisque celle-ci n’a cessé, au cours de son histoire, d’élaborer du « bizarre » (physique quantique, relativité, matière noire, énergie noire, boson de Higgs…). Ensuite, en retrouvant le désir de penser les savoirs et d’exprimer leurs saveurs essentielles. Même si elle est très à rebours de l’air du temps, cette dernière ambition n’a rien d’utopique. Être savant, en principe, ce n’est pas seulement jouer avec de gros instruments et surveiller une ligne budgétaire. C’est aussi favoriser un certain foisonnement de l’imaginaire, c’est jouer avec les idées, méditer les concepts, en créer de nouveaux, saisir leur portée, expliciter leur sens. Cette dimension à la fois créatrice et réflexive nous semble constituer le préalable à toute transmission efficace des connaissances. Il faut donc l’exploiter. D’autant que, bien menée et puisant à plusieurs registres, elle pourrait déboucher sur de nouveaux genres ou de nouvelles formes de vulgarisation, plus inventives et plus ambitieuses.
Intervenant : Etienne KLEIN avec le soutien de Claude COHEN-TANNOUDJI.
|